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Art et pouvoir 2

Art et pouvoir, remarques complémentaires.

1.      Les pouvoirs politiques, selon qu’ils soient démocratiques ou non, adoptent vis-à-vis de la création artistique une attitude essentiellement commandée par leur position générale sur la question de la liberté d’expression. Ainsi, la plupart des pouvoirs reposant sur une vision dogmatique de la société considèrent que l’art doit être au service de l’idée, et donc du projet politique. L’art  y est considéré comme devant constituer une forme de d’exaltation des valeurs portées par les institutions et l’idéologie dont elles relèvent. Cette conception est déjà en partie, suggérée dès l’antiquité par Platon, pour lequel la création artistique doit être une manière de renforcer le civisme. Plus généralement, les grandes dictatures feront de l’art une forme de propagande. Dans les moments démocratiques modernes, au contraire, les pouvoirs considèrent que la liberté de création échappe aux règles générales du civisme. L’art est ainsi considéré comme un champ d’expression à part, dans lequel  les  possibilités offertes à l’artiste sont plus vastes que celles données au citoyen dans l’expression publique. Que ce soit en termes de conventions morales ou d’expression sociale, politique, les démocraties modernes considèrent que la création artistique doit bénéficier d’une liberté presqu’illimitée. Conception qui ne manque pas, en général, d’agiter les polémiques lorsque l’œuvre est supposée pouvoir être offensante. On se souviendra par exemple de l’écrivain et ministre A.Malraux défendant à l’assemblée le théâtre de Genet accusé d’être subversif par sa propre majorité. On se souviendra que si Facebook censure pudiquement l’origine du monde de Courbet alors que le tableau n’est l’objet d’aucune forme de censure dans les lieux artistiques…Cette conception qui  fait prévaloir l’intention artistique sur les convenances politiques ou morales, est d’abord le fait des démocraties modernes, elle n’a pas toujours été aussi nettement affirmée par le passé et elle reste fragile. Ainsi les différentes communautés religieuses par exemple sont en général au soutien de la liberté d’expression quand il s’agit du droit à exprimer une foi mais fréquemment partantes pour demander des interdictions voire interdire elles-mêmes des œuvres dont ils considèrent qu’elles offensent leurs croyances. Les limites de la liberté de création artistique constituent un problème que les pouvoirs démocratiques ont parfois du mal à résoudre entre liberté d’expression et offense ou diffamation, la frontière est parfois ténue.  

2.      Les pouvoirs politiques forts tendent à favoriser des approches relevant d’une démarche académique, donc relevant de la grande famille « des classicismes ». Il y a, à cela, plusieurs raisons : d’une part le pouvoir politique appuyé sur une conception de la puissance étatique forte tend à favoriser un art du collectif, un art déterminé par une esthétique partagée et/ou imposée relevant d’une culture, d’une vision du monde stable et commune.  D’autre part, les classicismes reposent en général sur une recherche de l’harmonie, de la symétrie, de l’équilibre, en quelque sorte de l’ordre qui est aussi le fait des pouvoirs qui cherchent à instaurer un ordre social et politique rigide. Les maniérismes et autres « baroquismes » (ce terme est employé par divers auteurs pour distinguer le baroque historique de la tendance générale) relèvent quant à eux, de l’individuel, de l’extravagance, de l’inversion etc  dont on considère souvent qu’ils émergent plus facilement en période de trouble et d’instabilité politique. En d’autres termes et de manière très schématique on pourrait dire qu’aux pouvoirs forts, aux périodes de certitudes idéologiques semblent correspondre plutôt la domination des académismes, alors qu’aux périodes de crise, d’affaiblissement du pouvoir idéologique et politique correspondent plutôt des maniérismes.

3.      On pourrait être surpris de la place et de l’importance que des pouvoirs politiques très différents ont accordée à la création artistique, plus généralement aux préoccupations esthétiques. De ce point de vue chaque moment de l’histoire est différent, chaque pouvoir développe une approche de la question qui lui est propre et qui dépend en partie des hommes. On doit donc se garder lorsqu’on veut trouver des lignes générales de toute forme d’anachronisme : ni la monarchie absolue, ni le nazisme ne sont des démocraties, pour autant ce point ne suffit pas à en faire des périodes et des régimes identiques, leur attitude vis-à-vis de l’art n’est donc pas la même. Globalement, on doit distinguer les « aristocraties » et « monarchies » de l’ancien régime qui ne cherchent pas à contrôler l’ensemble de la société mais dont les classes/ordres privilégiés détiennent l’hégémonie culturelle et utilisent en partie les arts comme expression d’un pouvoir et comme élément de prestige social et les pouvoirs dictatoriaux modernes considérés comme des totalitarismes qui cherchent à exercer un pouvoir sur tous les aspects de la société et qui dans le même mouvement, instaurent ainsi un art de propagande et censurent les œuvres dont tel ou tel aspect –y compris celui de la simple démarche artistique- semble échapper à leur conception ou symboliser une forme de différence. Les deux types de régimes et leurs conceptions ne peuvent être directement comparés, si ce n’est peut-être sur un point, l’utilisation de l’architecture et parfois des différentes formes de design pour marquer l’époque et exprimer vis-à-vis de l’extérieur une forme de puissance.

4.      Par ailleurs et pour revenir sur un point précédent, l’importance accordée à l’art par les pouvoirs politiques n’est pas directement liée à l’impact réel de l’activité artistique sur l’état des forces politiques : un art même « révolutionnaire » ne fait pas une révolution –sauf artistique. D’ailleurs, ni autrefois quand les peuples étaient souvent éloignés de certaines œuvres, ni plus récemment alors que les forces de propagande dépassent largement la diffusion des œuvres, l’art n’est en mesure d’inverser un rapport de force politique. On peut donc, surtout en ce qui concerne les totalitarismes voir, dans la place accordée (même en négatif) à  l’art et à la littérature, la marque de pouvoirs qui cherchent à montrer que rien ne leur échappe, et qu’il n’existe aucun sanctuaire propre à une expression subversive quelle que soit son importance. On peut aussi supposer que l’art imprime sa trace dans le temps et y puise une force symbolique qui outrepasse largement sa force immédiate. Ainsi du cinéma de F.Lang, des œuvres de Picasso, de Goya, des textes d’Aragon etc etc     

 

XB. IFC

                                                                                                        



16/05/2013
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