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L’horloger Patek Philippe a construit un message publicitaire dont la sobriété apparente se mêle à une impression visuelle marquée par le soin et la rigueur. Une composition binaire mais savamment asymétrique, une justesse de ton que rien ne rompt et qu’équilibre les tâches sombres du vêtement, du cadran, des boutons de manchettes, deux personnages en plan américain dont le regard est soigneusement orienté –pour l’un vers le fils pour l’autre vers l’avenir- tout dans la constitution de l’annonce renvoie au mélange de précision, d’élégance, de soin que l’horloger suisse revendique. Plus largement le choix de la couleur à droite, le chic intemporel des vêtements, le dépouillement du bijou, l’ombre portée d’une large fenêtre, la discrétion de la typographie et du texte lui-même, tout cela contribue à une atmosphère intemporelle, suggère l’idée de la continuité. Ainsi les personnages sont-ils à la fois hors mode et actuels.

On est ici dans un monde d’héritiers : le père à la fois masculin et attendri porte sur le fils un regard fier et ému, il est encore un peu l’enfant chéri et déjà l’héritier qui prend son autonomie…Ce fils est bien l’héritier voulu, tout en lui rappelle le père, la coiffure, le polo chic et décontracté, la structure du visage…Les deux hommes sont en harmonie et le plus jeune a déjà su faire sien une part de l’héritage, il est digne de recevoir la suite, son regard est déjà tourné vers l’avenir, son sourire marque un mélange d’équilibre et de responsabilité.

L’annonce utilise avec discrétion mais efficacité les codes d’un groupe social sensible aux détails ; les personnages ont de « la classe » dans tous les sens du terme…Ils appartiennent, en effet, à une classe sociale qui se reconnaît dans la qualité, la vraie, celle qui n’a pas besoin d’être ostentatoire, celle de la laine vierge ou du cachemire, des boutons de manchettes d’hier et/ou d’aujourd’hui, celle, bien sûr, de la montre. Dans ce mélange de raffinement et de rareté, signes d’appartenance, la montre est une valeur, un patrimoine, un héritage –tous termes qui ont un double sens matériel et immatériel. La montre Patek est donc ici supposée être porteuse des valeurs de transmission, des valeurs familiales, du lien de père à fils. Elle glisse subtilement du statut d’objet de luxe, dont le prix exhorbitant pourrait paraître indécent (surtout en période de crise et de remis en cause des très haut revenus) à celui d’un symbole de valeurs immatérielles. Ce n’est plus une montre dont on se préoccupe vulgairement du prix (des milliers d’euros) mais le prétexte d’un acte noble, fort, légitime, beau : celui de la transmission d’un père à son fils, qui lui-même transmettra un jour… D’ailleurs, cette montre on n’en est jamais tout à fait possesseur…Glissement sémantique, glissement sémiologique tel est le jeu du message qui efface une possible affaire de luxe au profit d’un affaire de tradition. Si tant est qu’une cible plus bling-bling, s’intéresse à l’objet, le message sera d’autant plus efficace qu’il fonctionnera alors sur un mode intégratif. Le « nouveau riche » sera supposé ne pas acheter seulement une montre mais l’ensemble des codes et des traditions qui vont avec, et, peut-être permettent d’entrer dans ce groupe restreint…

X.Baux IFC